Publié : 12 mai 2016 à 17h11 par Hélène Hamon
L'éleveuse d'escargots remporte son bras de fer contre la mairie de Pont-Saint-Martin
A Nantes, le tribunal correctionnel a relaxé une éleveuse d'escargots originaire de Pont-Saint-Martin. En 2009, la mairie avait porté plainte contre elle. La municipalité lui reprochait d'avoir commis une fraude en matière d'urbanisme.
Le tribunal correctionnel de Nantes a intégralement relaxé jeudi une éleveuse d'escargots, contre qui la mairie de Pont-Saint-Martin avait porté plainte au pénal pour avoir "fraudé" en 2009 ses règles locales d'urbanisme.
Lors de son procès, le 24 mars, la municipalité avait pourtant demandé aux juges d'ordonner la destruction de sa maison sous un mois avec 500 € par jour de retard, 5.000 € de dommages et intérêts pour son "préjudice d'image et d'autorité", et enfin près de 9.500 € supplémentaires pour les frais de justice déboursés pendant ces six ans de procédure.
Pour obtenir son permis de construire, cette femme de 47 ans avait en effet présenté sa maison de 331 m2 comme un simple "logement de fonction" annexe à son bâtiment d'élevage, ce qui était pour elle la seule possibilité de déroger à l'interdiction de construire dans cette zone naturelle. Cette "maison coquette", dotée de colonnes et "d'une ampleur certaine", pose en effet la question de la "proportionnalité" avec le "logement de fonction" initialement attendu, avait convenu à l'audience le président du tribunal correctionnel.
En outre, lors d'un contrôle, les services municipaux n'avaient trouvé "que des coquilles vides" dans ses bâtiments d'élevage, et avaient alors soupçonné l'intéressée d'élever en réalité ses gastéropodes en Dordogne, où elle séjourne souvent. La prévenue avait également transformé la "nurserie" et le "laboratoire de développement" de sa ferme hélicicole en logements, ce qui avait attisé les doutes de la mairie sur la réalité de son activité d'élevage sur la commune.
La municipalité avait donc retiré a posteriori son permis de construire, mais avait été désavouée par le tribunal administratif de Nantes en 2006 - un jugement validé par le Conseil d'Etat en mai 2015. Un arrêté municipal de suspension des travaux avait également été cassé, dans des circonstances similaires, par la justice administrative.
"KAFKAÏEN ET ABSURDE"
A l'audience pénale, la mairie de Pont-Saint-Martin a toutefois trouvé un nouvel argument : son permis de construire délivré en juillet 2006 était caduc lors du début des travaux en 2009, puisque sa validité n'était que de deux ans.
Le procureur de la République avait ainsi demandé au tribunal de la condamner à verser une amende comprise "entre 2.500 et 3.000 €" au Trésor public. Le représentant du ministère public avait lui aussi réclamé la remise en état des lieux, en proposant pour sa part une pénalité de 250 € par jour de retard.
Les juges ont finalement estimé que l'éleveuse d'escargots n'avait pas commis d'infraction pénale, dans la mesure où le retrait du permis de construire litigieux a été annulé par la justice administrative. L'argument de la caducité du permis de construire "ne peut être retenu sérieusement", a également estimé jeudi le président du tribunal.
"Cette affaire, c'est proprement kafkaïen et absurde... Ma cliente est perdue dans les dédales des contentieux administratif et civil", avait ainsi déclaré l'avocat de l'éleveuse d'escargots à l'audience. "Depuis quinze ans, la mairie use des prérogatives de sa puissance publique, pour empêcher la famille Gautier de s'installer sur la commune."
Ironie de l'histoire, sa cliente fait aujourd'hui l'objet d'une expropriation par Nantes Métropole dans le cadre de l'arrivée du Marché d'intérêt national (MIN) sur la zone d'aménagement concerté des Brosses. "La préservation des activités agricoles dans le secteur était pourtant le maître-mot de la commune depuis toutes ces années", avait raillé l'avocat./GF