Publié : 6 novembre 2023 à 16h06 par Maxime MARTINEZ
"On s'est fait berner" : la colère du maire de Montoir-de-Bretagne après l'annonce des suppressions de postes à l'usine Yara
INTERVIEW - Le maire de Montoir-de-Bretagne, Thierry Noguet, a répondu aux questions de RCA La Radio après l'annonce du plan de suppressions de postes à l'usine Yara, basée sur sa commune. Surpris, il dénonce l'irresponsabilité du groupe norvégien.
Quelle est votre réaction à l’annonce de ces suppressions d'emplois chez Yara ?
Alors ma première réaction, ça a été d'abord de l'étonnement abasourdi parce que je ne m’attendais pas à une telle nouvelle. La nouvelle que j'attendais, c'est que les dirigeants devaient remettre un plan de continuation au niveau de l'activité par rapport aux travaux d'amélioration qu’ils devaient apporter. L'échéance était prévue au 31 octobre.
Plutôt que d'avoir un plan d'amélioration, on a un plan social. Donc je suis plus que surpris.
Vous aviez annoncé la mort de cette usine, c'était il y a moins d’un mois. En fait, vous avez eu raison.
J'aurais préféré me tromper, alors moi je l'avais annoncé dans les 10 ans à venir parce que quand je voyais, en faisant les calculs entre 10 et 15 millions d'euros de travaux par an et environ 100 millions d'euros de travaux pour remettre toutes aux normes. En sachant que l'entreprise faisait 36 millions d'euros de pertes cette année et des investissements réduits à néant. Donc plus les pénalités de 500.000€ à la suite du non-respect des normes environnementales. Effectivement, c'était la rubrique d'une mort annoncée mais je ne pensais pas que ça serait aussi rapide que ça.
Vous parlez de cynisme de la part de la direction du groupe, c'est un prétexte cette non-mise aux normes ?
Je ne sais pas.
Je trouve cette attitude déplorable. Ce n’est pas digne de d'un chef d'entreprise responsable.
Surtout que quand j'ai rencontré le nouveau directeur le 15 septembre, je pense que la décision était déjà prise et il m'a écouté gentiment. Je trouve que oui, c'est du cynisme tout simplement. Je trouve quand même, c'est irresponsable pour des par rapport à des chefs d'entreprise.
On vous a enfumé ?
Je n’emploie pas forcément ce terme là, mais quelque part oui.
On s'est fait berner : élus comme associations environnementales.
Ils ont poussé au bout du bout, en laissant croire que les choses allaient s'améliorer. Preuve en est, on a signé, au niveau de la ville de Montoir, un permis de construire pour une usine de microalgues pour traiter les eaux de rejet de Yara. Je ne sais pas ce que va devenir ce projet parce qu'à première vue, d'après ce que j'en sais, mais j'attends un communiqué du groupe Yara dans la journée, on me dit que le site resterait mais uniquement un site de stockage mais pour stocker quoi ? Donc il y a beaucoup d'incertitudes dans ce dossier donc j'attends des éclaircissements des chefs d'entreprise.
Un site de stockage, d'ailleurs, ça peut être tout aussi dangereux que le site actuel. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Un site de stockage alors d'abord qu'est-ce qu'on stocke ? Ça, c'est la première chose. Et puis avec quelle personne pour surveiller ? Je ne veux pas faire l'analogie par rapport au site de Beyrouth où c'était un site de stockage, les conditions n'étaient pas les mêmes. Mais dans l'esprit des gens, on peut penser que voilà, ça peut être stocké n'importe comment. Donc moi j'attends d'avoir des précisions avant de me prononcer sur les bienfaits ou pas d'avoir un qu'un simple site de stockage à Montoir de Bretagne.
Mise en demeure après mise en demeure, est ce que l'État était assez ferme avec Yara ?
Non, moi, ce qui m'étonne, c'est le silence radio de l'État depuis le début de ce dossier, enfin, depuis qu'on s'en intéresse, à savoir depuis mon élection en juillet 2020. Moi j'ai alerté les ministres concernés. Je n’ai jamais eu d'appel de leur part si ce n'est que j'ai eu un échange mi-septembre avec le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu qui m'as dit que le son le dossier de chez Yara était sur sa table. Je lui ai dit gentiment qu’il faudrait peut-être que vous le prendre sous le bras et venir nous voir à Saint-Nazaire parce que là ça commence à devenir inquiétant.
Aujourd'hui, qu'est-ce que vous demandez après cette annonce à l'État ? Au préfet ?
Je dois dire que le nouveau sous-préfet et le nouveau préfet puisqu'il viennent d'arriver tous les deux, ça a été un sujet dont ils se sont accaparés. Donc moi je leur jette par la pierre. Ils ont-ils ont joué le jeu. Moi ce qui me gêne dans l'histoire, c'est que niveau au plus haut de l'État, à commencer par les ministres concernés, y compris le ministre de l'Industrie, c’est silences radio, aucun contact, aucun coup de fil.
Alors c'est vrai qu’en tant que maire de Montoir, je ne suis qu'un petit maire, donc ça ne doit pas intéresser les gens je suppose.
Mais bon quand on a reçu des gens de Hugo Clément qui a fait un reportage sur Yara qui va être diffusé dans les 10/12 jours qui vont suivre… quand on annonce qu’en cas d'explosion c'est dans un rayon de 5 à 8 km que tout est rasé… ça vaut peut-être la peine qu'un ministre soit prenne son téléphone ou prenne sa voiture ou prenne le train pour faire développement durable pour venir nous voir à Saint-Nazaire, mais bon. Maintenant je n’attends plus rien. J'attends maintenant la communication de chez Yara pour définir les modalités pour savoir ce que va devenir cette usine, si c'est qu'un centre de stockage ou autre.
Ce qui m'étonne c'est qu'en parallèle parce qu'on me dit que Yara perd de l'argent… Mais au niveau international, ils construisent une usine flambant fleuve au Royaume-Uni pour fabriquer l'engrais du futur. Donc on aurait pu faire bien fabriquer l'engrais du futur. Un montoir de Bretagne, hein, puisque le. Est existant. Et on aurait pu modifier les le le process de de de fabrication pour aller vers un un engrais on va dire plus vert si si tant est que ça existe.
Maintenant, il y a 139 postes qui devraient être supprimés. Qu'est-ce que vous, la mairie, vous pouvez faire pour ces 139 personnes qui vont se retrouver sur le carreau ?
Alors moi personnellement, au niveau de la mairie, pas grand-chose. On a la chance d'être sur un bassin qui est plutôt porteur. Je ne sais pas s’il y aura du travail pour tout le monde mais moi c'est de faire le maximum pour que ces salariés-là puissent être recasés aux chantiers de l'Atlantique, chez Airbus chez Elengy, puisqu’ils recherchent aussi des ouvriers de maintenance, chez General Electric. Je crois savoir qu'il y a des professions comme ingénieur chimiste, ça va être compliqué. Donc je suppose que Yara va aussi leur retrouver des solutions de reclassement dans d'autres sites. Et puis je pense que la cellule qui va être mis en place de reclassement fera le nécessaire pour recenser les besoins de des uns et des autres.
Aujourd'hui, l'avenir est incertain pour ce site. Si Yara décide de dire stop à Montoir, on va démanteler le site, qu'est-ce qu'on fait à la place ?
Nous, on sera vigilant si tant est que si on a la main pour décider de quoi que ce soit, mais déjà il y aura déjà à mon avis un gros travail de dépollution du site, puisque depuis un an, il y a une fuite permanente d'acide sulfurique qui est contenue via une bâche en plastique qui dernièrement par rapport au rapport de géo-risques qui est sorti courant septembre octobre, indiquait que cette bâche était fissurée donc bah où va l'acide sulfurique ? dans la nappe phréatique ? Je n'en sais rien et là aussi je trouve qu'on est un peu léger au niveau de certains services de l'État pour essayer de remédier à ça.